Peut-on vraiment renforcer la sécurité en France ?
Aéroports, trains, métros... le ministre de l'Intérieur a annoncé le déploiement de policiers et gendarmes supplémentaires. Mais comment renforcer des dispositifs de surveillance déjà poussés au maximum ?
Peut-on vraiment renforcer la sécurité en France ?
C’est devenu un réflexe. La préfecture de police a immédiatement annoncé un renforcement de la sécurité dans les transports français, après le double attentat qui a frappé la capitale belge. Le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, a affirmé que 1600 policiers et gendarmes sont en train d’être déployés, dont 400 policiers en Ile-de-France.
A l’aéroport Charles-de-Gaulle, le dispositif est déjà en place. «On rappelle tous les effectifs qu’on peut mobiliser», explique Christophe Blondel Deblangy, secrétaire général de la préfecture de l’aéroport de Roissy. Au total, 1650 policiers aux frontières, 194 gendarmes des transports aériens (qui patrouillent sur le tarmac) et environ 120 militaires de Vigipirate composent la force chargée de la sécurité du second plus gros aéroport d’Europe (après celui d’Heathrow, à Londres). Depuis ce matin, une soixantaine de CRS ont également été appelés en renfort à Orly et Roissy.
«C’est difficile d’aller plus loin, on est au niveau maximal depuis tellement longtemps…», indique le service de communication de l’aéroport. Bernard Cazeneuve a toutefois annoncé que l’accès aux «zones publiques» de l’aéroport serait désormais limité aux personnes présentant «un titre de transport et/ou une carte d’identité». A 11h30, cette information n’avait pas encore été transmise à la préfecture de l’aéroport de Roissy et le nouveau filtrage n’avait pas été mis sur pied. «Pour le moment, il n’y a ni consignes particulières, ni changement flagrant à l’aéroport de Roissy-Charle-de-Gaulle», témoigne Francis Brico, syndicaliste Unsa.
«Une caméra ne suffit pas à protéger»
«Nous avons demandé à être reçu par la direction, pointe Miguel Fortea, secrétaire général CGT Air France. Après les attentats du 13 novembre, nous avons réussi à imposer des contrôles des cartes d’identité à l’embarquement pour les vols dans l’espace Shengen et en métropole. Mais il n’y a toujours pas de mesures de sûreté dans la zone publique, à l’intérieur de l’aérogare. Dans certains aéroports, comme à Casablanca, les bagages sont passés aux rayons-X à l’entrée du bâtiment. Mais le problème pour les pouvoirs publics, c’est qu’un tel dispositif représente un coût et des emplois à financer. Une caméra, ça ne suffit pas à protéger.» Selon le syndicaliste, il est trop tôt, quelques heures après les explosions de Bruxelles, pour sonder l’état des troupes dans les aéroports français. «L’info n’a pas encore totalement circulé. Mais après les attentats de novembre, les salariés allaient bosser la peur au ventre», raconte Fortea.
Côté RATP, on reste sur les mesures mises en place depuis le mois de janvier dans le cadre du plan Vigipirate alerte attentat. Soit 6000 agents de station et 1100 agents du Groupe de protection et de sécurisation des réseaux (GPSR) répartis dans toute l’Ile-de-France, et la présence de 28 000 caméras de surveillance dans les rames et 9500 dans les stations. «On n’a jamais relâché notre vigilance», note un responsable de la communication, sans préciser si la présence policière a été renforcée ce matin dans le métro et le RER.
A la SNCF, on explique aussi être «au maximum de ce qu’on peut faire». «On est en Vigipirate alerte attentat depuis janvier 2015. Ce matin, on a juste réaffecté une centaine d’agents de la sûreté ferroviaire à la gare du Nord et dans d’autres gares parisiennes.» Le service de presse de la SNCF précise que «ce sont surtout les forces de police normales qui se retrouvent à la manœuvre». A la demande du ministère de l’Intérieur, des mesures supplémentaires pourraient être mises en œuvre, notamment le déploiement de barrières devant les gares pour éviter tout stationnement. Enfin, l’entreprise confirme qu’un sac oublié sur le parvis de la gare du Nord ce mardi matin a créé un «mouvement de panique» et la création d’un cordon de sécurité. Mais après intervention des démineurs, il s’est avéré que ce colis n’avait en fait rien de suspect.
«Fermer les frontières n'est techniquement pas possible»
Sur les routes, une instruction a été envoyée ce matin aux services de douanes demandant «une vigilance accrue», et une «sécurisation renforcée» aux frontières belges. «Ce n’est pas une fermeture des frontières proprement dite mais un rétablissement des contrôles aux frontières intracommunautaires», indique la direction générale des douanes, à Bercy. C’est en réalité le dispositif mis en place au lendemain du 13 novembre, et qui n’a pas été modifié depuis. «Disons que là, depuis ce matin, il y a une vigilance encore plus accrue», indique la direction. En pratique, des contrôles potentiels sur les véhicules seront plus fréquents, à divers endroits, avec des équipes mobiles, mais contrôle ne veut pas dire interdiction de passer la frontière. «De toute façon, fermer les frontières n’est techniquement pas possible, les points de passage sont beaucoup trop nombreux», expliquait ce matin le chargé de communication de FO Douanes, le deuxième syndicat des douaniers. «Il y a plus de 200 points de contrôle le long de la frontière franco-belge, dont environ une cinquantaine tenus en permanence. Pour la majorité, la présence est donc aléatoire. De plus, certains points de passage sont de toutes petites rues dans des villages», précise Bertrand Vuaroqueaux de la GCT douanes.
«Même avant 1993, fermer complètement n’était pas réalisable. On peut renforcer l’étanchéité, avec l’aide des forces de gendarmerie et de police. Les douaniers seuls, ce n’est plus possible», indique David-Olivier Caron, secrétaire adjoint CFDT douaniers. ll dénonce par exemple la fermeture annoncée de la brigade de Hirson, dans l’Aisne, «à 50 km de Charleroi»: «Je ne comprends pas la logique, ils prennent des décisions contradictoires: dans le contexte actuel, on dit qu’il faut renforcer le contrôle aux frontières mais en même temps on ferme des brigades.» Au lendemain du 13 novembre, François Hollande avait annoncé 1000 douaniers supplémentaires en 2016-2017 dans le cadre du plan de lutte contre le terrorisme. «Sauf qu’en parallèle, ils suppriment 500 postes», rétorque David-Olivier Caron. Un appel à la grève avait été lancé pour jeudi, il n’a pour l’instant pas été levé.